Restauration d'une gravure aquarellée
Gravure à l'aquatinte aquarellée avant restauration
Etat de conservation du document :
Cette gravure aquarellée, aquatinte rehaussée d’aquarelle et de gouache blanche, est assez « rousse » ce qui dénature les couleurs d’origine (jaune-roux plus bleu égal verdâtre). Cette rousseur est due à l’oxydation de la cellulose du papier provoquée par de mauvaises conditions de conservation.
C’est pourquoi, pour accentuer les contrastes de cette gravure aquarellée et pour en dissimuler les défauts, des aplats de gouache blanche ont été rajoutés.
On constate de nombreux manques, petits trous et épidermures dans le graphisme. Soit le papier a subi les ravages des lépismes, soit un excès d’adjuvants (talc, carbonate de calcium…) ont accéléré la dégradation de ce papier en se désolidarisant de la feuille. On note, également, de nombreuses « piqûres » dites taches de foxing dues à de mauvaises conditions de conservation pour cette gravure. Elles sont dues, également, à une l’oxydation de la cellulose du papier.
Procédure de restauration de la gravure aquarellée : blanchiment chimique
Le restaurateur, dans le cas d’une œuvre aquarellée, commencera par pratiquer des tests de résistance des coloris aux traitements aqueux ou alcooliques s’ils sont nécessaire à la restauration du document. Dans ce cas précis, l’opération de restauration a consisté en un nettoyage aqueux de la gravure suivi d’un nettoyage chimique afin d’éliminer les taches de foxing restantes. Puis, on a réalisé des retouches à l’aquarelle là, où le graphisme avait disparu.
La gravure à l'aquatinte, quelques notions :
L’aquatinte fait partie de la famille des gravures « en creux », c’est une technique dérivée de l’eau-forte où l’on utilise l’acide pour réaliser les creux dans la plaque, on parlera de taille indirecte.L’effet recherché est de reproduire, par la gravure, le style pictural d’une aquarelle ou d’un lavis à l’encre. Des teintes dégradées, des valeurs, avec peu ou pas de traits dans le graphisme.
Le principe est de recouvrir les zones qui seront encrées par une multitude de petits grains de résine sur une plaque de cuivre (différentes grosseurs) en protégeant les parties qui resteront blanches. Ces grains vont adhérer à la plaque qui sera chauffée et trempée dans l’acide. L’acide (eau-forte) creusera autour de ces grains ; le temps de morsure, la grosseur des grains permettent des dégradés du noir au blanc. Le graveur peut également retravailler sa plaque soit avec des traits avec la technique de l’eau-forte soit avec une autre technique. Et, il peut également se servir d’un brunissoir pour moduler sa teinte en diminuant la profondeur des trous.
C’est au XVIII siècle que cette technique de gravure a été inventée, les français et les anglais s’en attribuant la parenté. Il faudra par contre beaucoup d’essais pour maîtriser l’impression en couleur. Et longtemps par manque de précision, nombre de tirages auront un aspect « flouté » pas très heureux. C’est pourquoi, il était, à la limite, plus simple et moins coûteux de les colorer à l’aquarelle, comme cette gravure aquarellée.
Et cela pendant de nombreuses années. Il faut imaginer qu’au 19ème siècle, des hangars entiers étaient remplis d’aquarellistes travaillant sur les journaux relativement de grand tirage comme le Journal des Dames.
La pose aléatoire des grains, tout comme leur forme après avoir été chauffés donne au dessin un aspect vivant, « peint » au contraire d’une trame mécanique.
On la reconnaîtra aisément à l’aide d’une loupe (x6) à cet aspect un peu « caramel fondu ». Et à sa très grande délicatesse, bien sûr. Le relief d’encre (sensation des traits sous les doigts) n’est pas ou très peu sensible. Cela peut rendre l’aquatinte assez délicate à manier en restauration.